Joel Schlesinger | The Winnipeg Free Press
Des polices offrent des prestations dans plusieurs scénarios de décès inusités, y compris la mort médicalement assistée
La section locale de Winnipeg de Mourir dans la dignité Canada reçoit un grand nombre d’appels au sujet de la mort médicalement assistée, mais les demandes sur l’assurance vie sont moins fréquentes qu’il y a un an ou deux.
« La plupart des gens communiquent maintenant avec leur assureur à ce sujet », indique Cheri Frazer, codirectrice de la section locale du Manitoba, qui défend les intérêts des personnes souhaitant obtenir de l’aide médicale à mourir.
Généralement, on confirme aux assurés que leur prestation sera effectivement versée s’ils optent pour la mort médicalement assistée à condition qu’ils présentent une maladie terminale.
Selon Mme Frazer, la situation était moins claire avant que le gouvernement fédéral adopte une loi en 2016. Elle obtenait alors une réponse prudente chaque fois qu’elle appelait un assureur.
« Ils me disaient qu’ils envisageaient d’inscrire la maladie sous-jacente comme cause du décès, mais que rien n’était encore définitif », poursuit-elle, avant d’ajouter que, sinon, le décès aurait pu être considéré comme un suicide et, par conséquent, entraîner un refus de couverture.
« Mais une fois la loi modifiée, c’était sans équivoque : la maladie sous-jacente était bel et bien considérée comme la cause du décès. »
Les questions sur la mort médicalement assistée ne sont qu’un exemple des nombreuses interrogations des Canadiens quant à leur couverture d’assurance vie en cas de décès dans des circonstances rares et inusitées.
« Le sujet de la mort médicalement assistée est très rarement abordé, car la plupart des dispositions sur le suicide concernent les deux premières années de la couverture d’assurance vie », déclare Craig Anderson, vice-président et avocat général de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, qui représente 98 % des assureurs vie au Canada.
En général, lorsqu’une police est en vigueur depuis deux ans, elle est incontestable et la cause du décès n’importe plus.
Autrement dit, un assurer ne peut plus refuser de verser la prestation, sauf en cas de fraude durant le processus de demande (une personne qui mentirait au sujet de son usage du tabac et mourrait d’un cancer du poumon, par exemple).
L’assurance vie n’en demeure pas moins un investissement financier complexe et est, par conséquent, un champ d’expertise distinct. Les questions étranges sur les couvertures peuvent laisser perplexes des personnes qui en connaissent pourtant beaucoup sur le sujet.
C’est pourquoi M. Anderson estime qu’il faut toujours interroger votre assureur au sujet de vos préoccupations quant à la couverture offerte par votre police.
Question de satisfaire votre curiosité morbide à l’égard de la mort – et la mienne –, voici quelques scénarios de décès insolites qui pourraient étonnamment être couverts par l’assurance vie.
Après deux ans, presque tout est possible.
On a fait peu de cas de la couverture d’assurance vie en cas de mort médicalement assistée notamment parce que, s’il avait été déterminé qu’il s’agissait bel et bien d’un suicide, la prestation aurait tout de même été versée dans la plupart des cas.
La plupart des assureurs versent la prestation de décès si l’assuré décède par suicide après que la police a été en vigueur deux ans.
Avant l’adoption de la loi sur la mort médicalement assistée, on s’interrogeait donc surtout sur l’obligation des assureurs de payer la prestation dans les cas où la police était en vigueur depuis moins de deux ans.
Ce qui, de toute façon, aurait été rare.
« Les personnes qui souhaitent obtenir de l’aide médicale à mourir sont probablement déjà malades depuis un certain temps, poursuit M. Anderson. Il y a peu de chances que quelqu’un soit suffisamment en santé pour obtenir une assurance vie, puis tombe malade et réponde aux critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir durant les deux premières années de la police. »
Selon lui, maintenant que la mort médicalement assistée n’est plus considérée comme un suicide par les assureurs, si vous avez récemment souscrit une assurance vie, puis que vous avez reçu un diagnostic de maladie terminale, vous serez tout de même couvert si vous optez pour l’aide médicale à mourir avant la fin de la période de contestabilité de deux ans.
C’est du moins le point de vue de l’association.
« C’est notre position, dit M. Anderson, et c’est celle que nous attendons de nos membres; à ma connaissance, aucun assureur ne s’y est opposé et je serais très surpris que cela se produise. »
Mme Frazer n’en demeure pas moins convaincue que les gens devraient toujours poser la question directement à leur compagnie d’assurance.
« Le nombre de compagnies qui ont refusé de me répondre parce que je n’avais pas de police m’incite à lancer un appel à la prudence, dit-elle au sujet de demandes plus récentes sur les couvertures d’assurance vie.
« C’est donc vraisemblablement une bonne idée de vérifier auprès de votre compagnie d’assurance pour confirmer que la mort médicalement assistée n’est pas considérée comme un suicide. »
Qu’en est-il des décès pour des raisons stupides?
La plupart des polices comportent des exclusions qui ne sont pas couvertes, mais les décès « stupides » le sont souvent.
Selon un article publié sur le site Web karmainsurance.ca, destiné aux assureurs établis au Québec, si la période de contestabilité de deux ans est terminée, la prestation sera versée si, par exemple, vous mourez dans un accident de voiture que vous avez causé parce que vous étiez sous l’influence d’une drogue ou de l’alcool, ou si vous faites du parachutisme (une activité pas stupide du tout pour certains) et que votre parachute refuse d’ouvrir.
Il ne faut tout de même pas présumer que les activités dangereuses sont couvertes. « Cela dépend de la police », indique Michael Aziz, responsable de la distribution de Plan de protection du Canada, chef de file en assurance vie sans exigence médicale au Canada.
Utilisons l’exemple des sports extrêmes.
« Si vous faites une demande auprès d’un assureur traditionnel, dit-il, on vous demandera si vous pratiquez ce type d’activités et, si oui, à quelle fréquence. Dans la facturation, il sera déterminé si ces activités feront l’objet d’une exclusion ou si une prime supplémentaire ou une surprime sera facturée.
« Chez nous, si vous aimez les sports dangereux, vous pouvez tout de même obtenir la protection de 500 000 $ et vos activités extrêmes ne seront pas exclues si vous répondez honnêtement à nos questions. »
L’article de karmainsurance.ca indique que si vous pratiquez régulièrement des sports extrêmes et que vous ne le mentionnez pas durant le processus de demande, votre prestation pourrait ne pas être versée si vous mourez, par exemple, en faisant du saut extrême.
Par contre, si vous vous laissez tenter par un saut à l’élastique en vacances, que celui-ci se brise et que vous faites une chute mortelle, vous serez probablement couvert, à moins que votre police soit entrée en vigueur depuis moins de deux ans.
Mais mieux vaut éviter de se fier à un article de journal.
« Les réponses à ces questions figurent dans les détails des contrats », poursuit M. Aziz.
On ne sait donc jamais vraiment tant qu’on n’a pas posé la question et, selon lui, on a tout intérêt à demander une confirmation écrite.
Plus idiot encore !
Toujours au chapitre des décès inusités, si le bénéficiaire assassine l’assuré, il ne recevra pas la prestation.
Cela vous semble évident? Il existe même un terme dans le secteur pour désigner cette situation : la « slayer rule » (règle de l’assassin). Par ailleurs, M. Aziz révèle que les assureurs utilisent des signaux d’alarme pour repérer les cas où une personne présente une demande d’assurance qui ne correspond pas à son mode de vie.
« Si vous gagnez 50 000 $ par an et que vous voulez souscrire une assurance vie de 20 millions $, cela soulèvera quelques interrogations, et il en va de même pour une personne qui souhaiterait obtenir une assurance de 20 millions $ pour son conjoint ou sa conjointe. »
Bien entendu, il s’agit là de bizarreries dans le monde de l’assurance. « Ce sont des cas dont on entend parler et qui nous laissent abasourdis », indique M. Aziz.
En général, ce qui est important, c’est de se procurer une couverture appropriée, qui prévoit une prestation suffisante, durant une période adaptée aux besoins.
Cela dit, comme ce devrait être le cas pour tous les achats importants susceptibles d’avoir des conséquences considérables, il faut faire preuve de vigilance. « Lisez le contrat, conclut M. Aziz, puis assurez-vous de bien comprendre le produit que vous achetez et d’avoir un bon conseiller financier. »